Merveilleux Pappus

 

Hiérarchie entre Desargues et Pappus

             Les mathématiciens s'accordent pour considérer les théorèmes de Desargues et Pappus comme les deux théorèmes fondamentaux de la Géométrie Projective.

             Le théorème de Desargues, appelé aussi théorème des Triangles Homologiques a déjà été rencontré sur ce site. Il dit que dans un plan les cotés correspondants de deux triangles ABC et A'B'C' se coupent en trois points alignés ssi les droites passant par les sommets correspondants sont concourantes et inversement.

             Ce théorème est si important pour la géométrie projective que, dans son livre Leçons de Géométrie Projective publié en 1930, le grand mathématicien Federigo Enriques a écrit à la page 46:

" En se servant du théorème des Triangles Homologiques...
on pourrait déduire tous les thèorèmes de géométrie projective plane
"

             Pour les lecteurs qui ont lu les autres pages de ce site, cette importance peut être facilement comprise car ils ont vu que nous fondions toutes les démonstrations sur les Hexagrammes Mystiques de Pascal, ( appelés ici Hexamys) qui sont les hexagrammes dont les cotés opposés se coupent suivant trois points alignés. Or la configuration de Desargues peut aussi être considérée comme un hexagramme mystique quand on prend pour sommets de cet hexagramme les intersections des cotés non correspondants de deux triangles homologiques.

 

             L'énoncé de Federigo Enriquès présente pourtant une exception importante. En effet d'après un résultat du à David Hilbert, le théorème de Desargues ne permet pas de démontrer celui de Pappus, alors qu'inversement le théorème de Pappus permet de démontrer celui de Desargues comme nous le verrons plus loin. Il en résulte que le même énoncé aurait été plus correct sous la forme suivante:

" En se servant du théorème de Pappus on pourrait
déduire tous les thèorèmes de géométrie projective plane
"

             Or la grande beauté de la géométrie projective vient surtout de ce qu'elle contient la géométrie euclidienne comme cas particulier. C'est une découverte qui succéda rapidement à la présentation du Traité des Propriétés Projectives des Figures par Poncelet , et qui fit écrire en 1859 au mathématicien Cayley dans son mémoire Philosophical Transactions : " La géométrie métrique (aujourd'hui on dit euclidienne) apparait donc comme une partie de la géométrie projective. Ainsi la géométrie projective est toute la géométrie".

             Il en résulte alors qu'en se limitant au plan, on peut donner une expression encore plus générale à l'énoncé de Federigo Enriqués en écrivant :

" En se servant du théorème de Pappus on pourrait
déduire non seulement tous les thèorèmes de géométrie projective
mais aussi tous les théorèmes de géométrie euclidienne
"

             Conformément au titre que nous avons donné à cette page, le théorème de Pappus se révèle donc être effectivement un merveilleux théorème. Rappelons alors son énoncé.

 

Historique de Pappus

            C'est à la Proposition 139 du Livre VII de son oeuvre: La Collection Mathématique, que le mathématicien Pappus, dans les premiers siècles de notre ère, énonce le théorème qui porte désormais son nom, mais qui, si l'on en croit les Porismes reconstitués par Chasles, avait déjà été trouvé par Euclide. Dans notre thésaurus un exercice y fait référence.

             Depuis cet exposé, il y a bien longtemps, la figure traditionnellement attachée à ce théorème est la suivante.

Dans cette figure où
A'B'C' et A"B"C"
sont donnés alignés
on construit les intersections

A de B"C' et B'C"

B de C"A' et C'A"

C de A"B' et A'B"

et l'énoncé du Thèorème de Pappus est alors:

Si les points A',B',C' sont alignés, de même que A",B",C" alors il en est de même de A,B,C

                 On voit comme ce théorème est particulièrement simple puisque, à part les alignements, il ne fait appel à aucune autre propriété géométrique. Et il est encore plus élégant si on observe que chacune des trois droites joue exactement le même rôle par rapport aux deux autres, symétrie qui apparait mieux si on le dessine sous la forme suivante.

         

 

     Montrons à présent comment Pappus permet de démontrer les deux autres grands théorèmes de la géométrie projective que sont le théorème de Desargues sur les triangles homologiques, et évidemment le théorème de Pascal sur l'hexagramme mystique qui est à la base de ce site.    

 

Desargues par Pappus

       

Cette démonstration est due à David Hilbert.

 

Pour faire cette démonstration Hilbert applique trois fois le théorème de Pappus:

  

          

    

 

c'est un peu laborieux, mais indiscutable.

 

Pascal par Pappus

 

              Montrons à présent comment Pappus permet aussi de démontrer le joli théorème des Hexagrammes Mystiques de Pascal appelés ici Hexamys. Ce théorème se présentant souvent sous de nombreuses formes différentes, rappelons la seule que nous avons considérée ici: Si les trois couples de cotés opposés dans un hexagramme concourent en trois points alignés, appelés points de fuite, cette propriété subsiste quel que soit l'ordre dans lequel on écrit ces sommets.

              Comme toutes les permutations d'un hexamys peuvent s'obtenir par une suite de permutations de sommets voisins, il suffit pour démontrer le théorème de Pascal de démontrer que la permutation de deux sommets voisins conserve la propriété d'alignement des trois points de fuite.

              Soit donc un hexamys ABCDEF dont les points de fuite sont P,Q et R. Permutons A et B. Il nous faut alors démontrer que BACDEF est encore un hexamys c'est à dire que ses trois points de fuite, P intersection de BA avec ED, H intersection de BF avec DC et enfin K intersection de AC avec EF sont eux aussi alignés.

             Cet alignement est effectivement une conséquence du théorème de Pappus quand on considère les deux alignements ARF et QBC.

                  Ainsi la remarquable propriété des Hexamys dont nous nous sommes constamment servis dans tout ce site est bien elle aussi une conséquence du théorème de Pappus.

                  L'importance de ce théorème étant à présent établie, voyons comment il peut s'interpréter:

 

Interprétation de Pappus par les projections.

             En se référant au programme d'Erlangen de Felix Klein on peut classer dans le plan les géométries en fonction de leur groupe de transformations associé. Ainsi la géométrie euclidienne est celle qui est associée au groupe des similitudes et la géométrie projective est celle qui est associée au groupe des homographies qui, en ce qui concerne les applications entre droites, sont toujours des composées de projections centrales. Les similitudes conservent les rapports, et les homographies conservent les birapports. C'est la raison pour laquelle la géométrie projective est plus générale que la géométrie euclidienne qu'elle contient comme cas particulier.

             Seulement, si la composée de deux similitudes est encore une similitude, il se trouve que la composée de deux projections centrales n'est pas en général une autre projection centrale. Le théorème de Pappus peut alors être considéré comme la condition pour qu'il en soit ainsi.

              Il pourrait en effet s'énoncer: La condition nécessaire et suffisante pour que, dans un plan, la composée d'une projection de centre A d'une droite d sur une droite d', avec la projection de centre B de cette droite d' sur une droite d'' soit une projection centrale de d sur d'' est que l'intersection de d et d'' soit alignée avec A et B.

              En effet considérons dans le plan trois droites quelconques d, d', et d" et posons P intersection de d et d', puis Q celle de d' avec d" et enfin R celle de d" avec d.

Condition suffisante

             Soient A et B deux points donnés quelconques dans le plan. Pour que la composée de la projection de centre A de d sur d', suivie de la projection de centre B de d' sur d", soit encore une projection centrale de d sur d" , il suffit que R soit aligné avec A et B.

             En effet le théorème de Pappus appliqué aux deux alignements A,B,R et P,Q,M' montre qu'alors les points M et M" sont toujours alignés avec O intersection de AQ avec BP. Ils se déduisent donc l'un de l'autre par une projection centrale, et le centre de cette projection centrale est le point fixe O.

Condition nécessaire

             Inversement si M sur d et M" sur d" se déduisent l'un de l'autre par une projection de centre O, soit A un point quelconque du plan et M' le transformé sur d' du point M de d par la projection de centre A. Pour que la composée de cette projection de centre A de d sur d' avec une autre projection de centre B de d' sur d" soit la projection de centre O de d sur d", il est nécessaire que B soit aligné avec A et R.

             En effet le théorème de Pappus appliqué aux deux alignements M',Q,P et O,M,M" implique que le point B intersection de OP avec M'M" est aligné avec A intersection de MM' avec OQ et R intersection de QM" avec PM. Et ce centre B est bien fixe puisqu'il est l'intersection de OP avec la droite AR.

             Ces deux démonstrations se ramènent en fait à une seule si on considère, comme on l'a vu plus haut , que chacune des trois droites ABR et OMM" et PQM' joue le même rôle par rapport aux deux autres.

             Enfin nous terminerons cet exposé sur le théorème de Pappus par une interrogation qui vient à nouveau de sa comparaison avec Desargues

 

Interprétations spatiales

                  Si on se place dans l'espce, le théorème de Desargues s'interprète d'une façon extrèmement simple puisqu'il est tout simplement la projection sur un plan, des intersections de cinq plans quelconques.

 

         

                  Soit en effet dans l'espace cinq plans quelconques Pa,Pb,Pc,P,P'. Posons O le point de concours des trois plans Pa,Pb,Pc. Ils sont coupés par P et P' suivant deux triangles ABC et A'B'C'. De cette construction il résulte que les trois droites AA',BB',CC' concourent en O, et que les droites AB et A'B', de même que BC et B'C' et enfin CA et C'A' concourent deux à deux sur la droite d'intersection d des plans P et P'. C'est le théorème dit des Triangles Homologiques de Desargues.

                  Pour faire une démonstration équivalente de Pappus
on prend six points quelconques A,B,C,A',B',C' de l'espace.
Alors, soit O un point quelconque de l'intersection des plans ABC et A'B'C'
on doit démontrer que, si on pose:
Da intersection des plans OBC' et OB'C,
Db intersection de OAC' et OA'C et enfin
Dc intersection de OAB' et OA'B,
                                 alors les trois droites Da,Db et Dc sont coplanaires.

 

 

Il se trouve que ce problème,
d'apparence pourtant anodine,
n'a jusqu'ici jamais été résolu par personne.           

 

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