Les hexamys et le parallélisme

 

 

                  Dans les pages précédentes vous avez appris comment la nouvelle géométrie excessivement simple dans laquelle nous travaillons fut découverte par le jeune officier Poncelet pendant sa détention en Russie, vous avez aussi fait connaissance avec le superbe théorème de Pascal, et vous avez enfin appris à l'utiliser vous aussi dans un panel d'exercices.

                  Mais à présent vous avez la nostalgie de notre chère géométrie euclidienne avec ses parallélogrammes, trapèzes et autres figures de ce genre. Alors, aussi incroyable que cela puisse paraître, nous allons voir que la méthode des hexamys, stupéfiante de simplicité puisque les rédactions s'y font en douze lettres, continue encore à s'appliquer.

                  Revenons au tout début. Vous vous souvenez que nous avons fait semblant d'étre le Bon Dieu en disant que la droite de l'infini était une droite comme les autres ! Et c'est alors que les parallèles ont disparu. Mais en vérité nous le savons bien, nous ne sommes pas le Bon Dieu. Et c'est à cause de celà que les paralléles nous semblent différentes des sécantes.

                  Alors, pour rétablir cette distinction entre sécantes et paralléles, il va suffire de particulariser une droite que nous privilégierons en décidant qu'elle est la droite de l'infini. Et ainsi nous retrouverons cette distinction qui nous est si chère entre sécantes et parallèles.

                  Si vous êtes prèts, c'est parti :

                  Considérons la figure ci dessous où, conformément à ce qui vient d'être dit, nous avons choisi une droite de l'infini. Alors on dira que les droites A'B' et AB qui se coupent dessus sont paralléles, de même que B'C' et BC, ainsi que C'A' et CA.

                  Cette fois ci, vous qui avez été bien gentils jusqu'ici, vous allez dire que j'exagère car les droites AB et A'B' ne sont pas du tout paralléles puisqu'elles se coupent ! Mais ce qui compte ce n'est pas ce que nous voyons c'est ce que nous disons. Et l'essentiel est que ce que nous disons soit juste.

                  Je prends par exemple un problème dans un livre de terminale. Par un point P situé dans le plan d'un parallélogramme ABCD on mène la paralléle à AB qui coupe AD en I et BC en K, puis la paralléle à AD qui coupe AB en J et DC en L. Le problème consiste à montrer que les droites IJ, KL et BC sont concourantes. Comme vous le voyez il y a des vrais parallélogrammes et des vraies paralléles dans ce problème. Vous êtes donc rassurés, nous sommes bien maintenant dans notre bonne vieille géométrie euclidienne. D'ailleurs cet énoncé correspond à la figure suivante:

 

                  En géométrie projective notre énoncé sera exactement le même, mais c'est la figure qui sera différente. En effet nous faisons choix d'une droite de l'infini sur laquelle les trois parallèles AD,BC et JL vont se couper, en R par exemple, de même que les trois paralléles AB,DC et IK se couperont en Q par exemple, sachant bien entendu que QR sera donc ici la droite de l'infini. Voici la figure projective qui correspond au même énoncé du problème:

 

                  Nous résolvons alors notre problème par la méthode des hexamys, ce qui est très facile car il s'agit d'un hexamys élémentaire. Et une fois la démonstration faite nous ne disons pas que les droites AD,BC et JL sont sécantes mais qu'elles sont parallèles puisque c'est sur la droite de l'infini qu'elles se coupent, de même que les droites AB,DC et IK. Par contre les droites IJ,KL et DC qui ne se coupent pas sur la droite de l'infini sont donc des sécantes au sens classique du terme. Et le tour est joué ! En utilisant les hexamys qui opèrent en Géométrie Projective nous avons résolu un problème tout à fait ordinaire de Géométrie Euclidienne.

                  Ainsi en quelque sorte nous allons avoir deux langages, l'un euclidien, l'autre projectif et les théorèmes que nous obtiendrons auront la particularité d'ètre valables dans les deux géomètries. Par exemple dans la figure que nous avons considérée au départ et qui est la suivante:

on pourra dire, en se plaçant au sens projectif,
- que les droites AB et A'B' sont parallèles ainsi que BC et B'C' ou que CA et C'A'
- que ACBC' ou ACA'B sont des parallèlogrammes.
- par consèquent que B est le mileu de A'C'
par suite cette construction nous permet de construire le symétrique A' d'un point C' donné par rapport à un point B donné , et inversement on sait prendre le milieu B d'un segment A'C' donné. Il suffit de terminer le parallélogramme A'B'C'K et on sait que les diagonales A'C' et B'K se coupent en leur milieu. Ainsi de suite.

                  Se posent alors de nombreux problèmes de cohérence et de compatibilité. mais ils se résolvent facilement par les hexamys et certains ont justement fait l'objet d'exercices proposés dans le thésaurus..

                  C'est ainsi que de proche en proche on peut retrouver tous les résultats de géométrie euclidienne qui font intervenir ces propriétés.

                  Pour nous amuser démontrons le beau Théorème de Newton qui dit que dans un quadrilatère complet les milieux des diagonales sont alignés. Pour retrouver la définition et les conventions d'appellation dans un quadrilatère complet revoir le Problème IX du Thésaurus.

                    Sur la figure ci dessus la droite en rouge passe par les milieux des diagonales AA', BB' et CC' du quadrilatère complet ABCA'B'C' et c'est cet alignement que nous devons démontrer. Il s'agit donc d'un problème de géométrie euclidienne puisque dans la géométrie projective on sait que le milieu d'un segment n'est pas défini. Et pourtant ici encore c'est par les hexamys que nous allons faire la démonstration.

                    Mais pour ce faire on va transformer un peu l'énoncé en terminant les parallélogrammes BAB'M et C'ACN. Dans BAB'M le milieu de la diagonale BB' est aussi celui de la diagonale AM. Et dans C'ACN le milieu de la diagonale CC' est aussi celui de la diagonale AN. Alors le problème posé est de démontrer que les milieux de AA' et de AM et de AN c'est à dire encore les points A',M et N sont alignés.

                    Passons en langage projectif: les trois droites paralléles AB,B'M et CN sont donc concourantes en P par exemple et les trois droites AC,C'N et BM sont concourantes en Q par exemple en prenant la droite PQ comme droite de l'infini. Et pour prouver que M,N et A' sont alignés il nous faut montrer que la droite MN passe par le point d'intersection de BC et B'C'. La démonstration par les hexamys est alors comme d'habitude extrèmement simple.

 

                    Mais les plus futés d'entre vous ne vont pas se laisser avoir aussi facilement. Ils vont me dire " C'est très bien. Vous arrivez effectivement par les hexamys à résoudre les problèmes où interviennent les droites paralléles et la notion de milieu qui lui est directement liée. Mais en géométrie euclidienne il y a aussi les angles droits qui donnent les triangles rectangles, les hauteurs, les médiatrices, les isomètries, les triangles isocèles et finalement presque tout ce qui fait justement l'intérèt de cette géométrie. Et là nous voulons savoir si on peut encore continuer à résoudre les problèmes en utilisant les hexamys?"

                    Et bien ceux qui me diront ceci auront tout à fait raison et ma réponse sera à la hauteur de leur attente: Oui, la méthode des hexamys continue à pouvoir être appliquée. Nous allons voir comment à la page suivante.

 

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